Mille étés et mille hivers Passeront sur l'univers, Sans que du poète-dieu Li-taï-pé meurent les vers, Dans l'Empire du milieu. Sur notre terre exilé, Il contemplait désolé Le ciel, en se souvenant Du beau pays étoilé Qu'il habite maintenant. Il abaissait son pinceau ; Et l'on voyait maint oiseau Écouter, en voletant Parmi les fleurs du berceau, Le poète récitant. Sur le papier jaune et vert De mouches d'argent couvert, Fins et noirs pleuvaient les traits. Tel, sur la neige, en hiver, Le bois mort dans les forêts. Il n'est de soupirs du vent, De clameurs du flot mouvant Qui soient si doux que les sons Que le poète, rêvant, Savait mettre en ses chansons. Aromatiques senteurs Dont s'embaument les hauteurs, Thym, muguet, roses, jasmin, Comme en des rêves menteurs, Naissaient sous sa longue main. À présent, il est auprès De Fo-hi, dans les prés frais, Où les sages s'en vont tous, À l'ombre des grands cyprès, Boire et rire avec les fous. |
POÈME DE CHARLES CROS MUSIQUE DE MICHEL AGNERAY |