La veuve, auprès d'une prison, Dans un hangar sombre demeure. Elle ne sort de sa maison Que lorsqu'il faut qu'un bandit meure. Dans sa voiture de gala Qu'accompagne la populace Elle se rend, non loin de là, Et, triste, descend sur la place. Avec des airs d'enterrement, Qu'il gèle, qu'il vente ou qu'il pleuve, Elle s'habille lentement, La veuve. Les témoins, le prêtre et la loi, Voyez, tout est prêt pour la noce ; Chaque objet trouve son emploi : Ce fourgon noir, c'est le carrosse. Tous les accessoires y sont : Les deux chevaux pour le voyage Et le grand panier plein de son : La corbeille de mariage. Alors, tendant ses longs bras roux, Bichonnée, ayant fait peau neuve, Elle attend son nouvel époux, La veuve. Voici venir le prétendu Sous le porche de la Roquette. Appelant le mâle attendu, La veuve, à lui s'offre, coquette. Tandis que la foule, autour d'eux, Regarde frissonnante et pâle, Dans un accouplement hideux, L'homme crache son dernier râle, Car ses amants, claquant du bec, Tués dès la première épreuve, Ne couchent qu'une fois avec La veuve. Tranquille, sous l'œil du badaud, Comme, en son boudoir, une fille, La veuve se lave à grande eau, Se dévêt et se démaquille. Impassible, au milieu des cris, Elle retourne dans son bouge ; De ses innombrables maris Elle porte le deuil en rouge. Dans sa voiture se hissant, Goule horrible que l'homme abreuve, Elle rentre cuver son sang, La veuve. |
POÈME DE JULES JOUY MUSIQUE DE MICHEL AGNERAY |